POEMES DE MARIDO TOUTES FORMES

A - Définitions


? Chanson populaire sur quelque événement tragique ou sur une légende de dévotion. ( Littré)

?Une complainte est une chanson formée de nombreux couplets et dont le sujet est le plus souvent sombre voire tragique.[...],c’est un poème aux formes variables mettant en scène les épreuves d’un personnage souvent réel dont l’adversité et l’infortune tournent au drame.(Wikipédia)

? « chanson populaire à déroulement généralement tragique, ayant pour thème un sujet pieux ou les faits et gestes d’un personnage légendaire ». (TLF)

B - Historique

? La complainte fut un «mariage », de style médiéval, entre le chant populaire et une certaine poésie où l'on se lamentait pour exprimer une souffrance, un chagrin, un ennui ...
- On en fait remonter l'origine au «planctus », récit religieux ou chant composé suite à la mort d'un homme illustre, VIIIè siècle.
- Ce genre lyrique fut repris, après le XIIIè siècle, par les troubadours  sous le nom de «planh»: chanson  dont le but était de faire l'éloge d'un personnage célèbre ( juste après sa mort).
- A partir du XIVè siècle, le «planh» est devenu « Complainte).Celle-ci s'est surtout développée au cours de la seconde moitié du XVè siècle sous le terme de « complainte funèbre)
- Au XVIè siècle, la complainte a souvent été assimilée à la consolation, à la déploration ...
- Au XIXè siècle, la complainte en tant que « poème populaire de tonalité triste » où la mort est souvent présente, a été cultivée par bon nombre de poètes qui s'en ont servi pour traiter différents thèmes; parfois dans un style satirique ou avec une pointe d'ironie, sur un fond « tragique ».


C - Forme

? La complainte, aussi bien en tant que chant de deuil collectif qu'en tant que poème où l'auteur relate les «infortunes» d'une personne ( qui peut être lui-même), n'a pas de forme fixe; seuls trois traits la distinguent des autres poèmes strophiques:
1 - Son objet où domine la tristesse
2 - L'auteur interpelle son auditoire au début de sa pièce ( quelques vers en guise d'introduction ) en vue de le sensibiliser, d'attirer son attention...
3 - La structure de sa (ses) strophe(s), en général, sur deux mètres courts.

? En principe, une complainte comprend douze vers sur deux rimes (A/a et B/b) selon la formule: A7a3B7A7a3B7B7b3A7B7b3A7 ( formule donnée par PSLT et Wikipédia ); d'où le schéma global :



 On a : (4 A + 2 a) et  (4 B +2b)
Les vers courts sont V2, V5, V8 et V11( selon la règle n+3  à partir du deuxième vers)
Si A/a est une rime masculine, B/b doit être une rime féminine; et inversement.
On peut décomposer ce schéma comme suit:
→( distique à rimes plates + quatrain à rimes croisées ) x 2
Trois rimes suivies au milieu => B7,B7et b3
 On peut opter pour deux autres mètres : long < 9 ; court = long - 1 (ou - 2 ; - 3 ; ...)

:hearts: Nous désignerons cette forme par le terme de « complainte simple)

? « Complainte double» : Partant du schéma ci-dessus, on peut  créer une complainte en deux douzains,:
 Le premier = A7a3B7A7a3B7B7b3A7B7b3A7
 Le second = B7b3A7B7b3A7A7a3B7A7a3B7
→L'alternace des rimes (M/F) doit être respectée au passage de la première à la seconde strophe.


D - Autres formes, par l'exemple

 1 - «La complainte du désespéré», de Joachim Du Bellay (1522 - 1560 ) se compose de dix sizains sur un seul mètre ( l'heptasyllabe); en voici le premier :

Qui prêtera la parole
A la douleur qui m’affole ?
Qui donnera les accents
A la plainte qui me guide :
Et qui lâchera la bride
A la fureur que je sens ?

 Formule = AABCCB ( 2 rimes plates + 4 rimes embrassées)
Le poème est bâti sur cette formule avec alternance des rimes au passage d'une strophe à la suivante.

:clubs: 2 - La complainte de Rutebeuf (1230 - 1285) se compose de deux neuvains sur deux mètres ( 8 et 4 ), en rimes variées; précédés de trois vers introductifs:

Les maux ne savent seuls venir :
Tout ce qui m’était à venir
Est advenu.

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière

Formule
- Vers d'introduction = A8A8b4
-Premier neuvain =C8C8d4D8D8e4E8E8 + vers orphelin ( il ne rime avec aucun vers)
-Second neuvain =F8F8g4G8G8h4I8I8K4
→Dans ce second neuvain, le sixième vers a la même rime auditive que les deux précédents.
→Le vers final rime avec les 4ème et 5ème vers; mais « manière» contient un (i) que ses deux homologues n'ont pas => on peut donc le considérer comme orphelin.
=> Ce poème existe en plusieurs versions dont l'une d'entre elles  le présente en quatre strophe; voici les deux autres:

Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu

Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta

 La troisième strophe comporte une reprise des  6 premiers vers de la première strophe auxquels le poète a ajouté les 3 vers introductifs, avec remplacement de « maux» par « mal »

 La quatrième strophe commence par 4 vers nouveaux et finit par les 5 derniers vers de la première strophe.


:clubs: 3 - Jules LAFORGUE   (1860-1887) a regroupé dans un même recueil, avec comme titre : « Les complaintes »,  des poèmes diversifiés quant à leurs formes mais semblables quant aux thèmes traités ( le côté triste de la vie ) et au style (ironique).

? L'une de ses « complaintes » en quatrains, avec un vers isolé pour clôre.

Complainte de la bonne défunte

Elle fuyait par l'avenue,
Je la suivais illuminé,
Ses yeux disaient : " J'ai deviné
Hélas! que tu m'as reconnue ! "

Je la suivis illuminé !
Yeux désolés, bouche ingénue,
Pourquoi l'avais-je reconnue,
Elle, loyal rêve mort-né ?

Yeux trop mûrs, mais bouche ingénue ;
Oeillet blanc, d'azur trop veiné ;
Oh ! oui, rien qu'un rêve mort-né,
Car, défunte elle est devenue.

Gis, oeillet, d'azur trop veiné,
La vie humaine continue
Sans toi, défunte devenue.
- Oh ! je rentrerai sans dîner !

Vrai, je ne l'ai jamais connue.

vers isométriques => 8 syllabes
rimes embrassées ABBA
alternance au passage d'un quatrain au suivant
répétitions des mots-rimes en V2 et V4 ,respectivement, après deux vers
Le second vers du premier quatrain est repris tel quel comme premier vers du deuxième quatrain.
Le vers isolé rime avec les deux du milieu du dernier quatrain.
Rime masculine en (...né) ; rime féminine en (....nue)
?remarque =>  L'auteur n'a pas respecté la règle disant que les mots teminés par (....er / avec r lettre muette ) ne riment qu'entre eux.

=> Pour lire d'autre complaintes de J.Laforgue :
http://poesie.webnet.fr/lesgrandsclassiques/poemes/jules_laforgue/jules_laforgue.html

:clubs:



Fiche élaborée par:
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