Forme le sonnet en seizain
Le sonnet en seizain
I?Structure et formule
• Un sonnet seizain se bâtit sur deux rimes seulement et se présente ainsi : 1 4 4 3 3 1 (deux vers isolés, l’un au début, l’autre à la fin) selon la formule :
?A- ABBA - BAAB - AAB - ABA - A
- La rime A figure 10 fois
- La rime B figure 6 fois
• Remarque :
- Les deux vers ajoutés peuvent être un seul et même vers, celui du début répété à la fin comme un refrain.
- Le 16è vers peut être une reprise du premier avec une légère modification.
II?Exemples
1? Echec de bout en bout. (par Flormed)
?A- ABBA - BAAB - AAB - ABA - A→ en décasyllabes
Âme, on a trop peiné ; mieux vaut partir !
On a tout fait pour ajuster le tir.
La vie a pris la sente la plus dure
À chaque pas, c'est la déconfiture :
L'échec amer vient nous anéantir.
Point je ne sais si l'âge qui perdure
Pourrait un jour; l'habit d'or, revêtir
Avant d'aller, sans regrets, nous blottir
Dans un trou froid où finit l'aventure.
Ne sens-tu pas notre élan ralentir
À force de souffrir et de pâtir ?
Que de défauts ont usé notre armure !
Un soir, la mort viendra nous engloutir
Dans le néant. « Là-bas, dit l'Ecriture,
Le cœur, plus rien, ne peut l'assujettir. »
Âme, on a trop peiné ; mieux vaut partir !
2? Triste journée (par Flormed)
?A- ABBA - BAAB - AAB - ABA - A → en alexandrins
Dans mon ciel, le soleil a de nouveau brillé.
À l'ombre d'un figuier dont mars a rhabillé
Les rameaux, je relis les fleurs de Baudelaire.
Enivré par ses vers, afin de me complaire
À ses lieux, j'ai l'esprit, par chaque mot, vrillé.
Il me semble le voir, ouïr sa voix si claire.
Je me sens tel un gueux, rimeur déguenillé,
Voyageur éperdu dont le temps a pillé
La foi, marchant vers le néant crépusculaire.
Je parcours, l'air pensif, le recueil persillé
De spleen pour oublier mon corpus chenillé
De mots qui, rarement, arrivent à me plaire.
Tiens ! me dis-je, la nuit a tout démaquillé
Le mont se vêt de noir. Pas un fanal n'éclaire
Le chemin sur lequel j'ai longtemps boitillé.
Mon soleil, refroidi, pâli, n'a plus brillé.
III?Création de variantes (1) :
1- Sonnet seizain sur quatre rimes
? Formule : A - ABBA - CAAC - AAD - ADA - A
- La rime A figure 10 fois
- Les rimes B, C et D figurent 2 fois chacune.
- L'alternance est obligatoire
?Exemple : Triste pour eux (par Flormed)
La nuit avait couvé le hameau sous sa tente.
Un vent glacé meuglait en prenant la descente
Du mont tôt endormi vers les gourbis fumants
Où se tassait un peuple aux rêves déprimants :
Monde à l'écart, meurtri par la vie inclémente.
Hommes, femmes, enfants, volailles, animaux
Voués au même sort, maudissaient la mort lente
Qui les traînait, sans fin, sur la fatale pente
Où devront se tarir leurs conduits lacrymaux.
-L'hiver est un fléau pour la masse indigente
Qui vivote en ces lieux dont la faim alimente,
Soir et matin, les trous goulus des fossoyeurs.
Dans ce pays perdu, comme est longue l'attente
Des rais de thermidor aux chauds reflets sauveurs !
O bon ciel, entends-tu ma faible voix dolente ? -
La nuit avait bâché le hameau de sa tente.
2-Sonnet seizain sur cinq rimes
? Formule : A - ABBA - CAAC - DDE - AEA - A
- La rime A figure 8 fois
- Les rimes B, C, D et E figurent 2 fois chacune.
- L'alternance est obligatoire
?Exemple : Mieux vaut être pâtre (par Flormed)
Je joue au vieux rimeur, assis sur une peau.
La nuit durant, les mots coulent sous mon chapeau,
Tels des rus serpentant dans un prospère herbage.
Je les sens se frayer leur chemin vers la page.
Le premier qui surgit sert au suivant d'appeau.
Le vers file en douceur jusqu'à sa frêle rime
Qui voit se dérouler, comme un mince copeau,
La ligne dont j'essaie, en prenant mon pipeau,
De faire un air souvent chagrin qui me déprime.
Je laisse alors tomber. Une voix me contraint
D'écrire. Mon esprit, docilement, s'astreint
À la tâche, appuyé par l'exigeant fantôme.
N'aurais-je pas mieux fait de garder mon troupeau
Au lieu de parcourir moult et maints recueils tome
Après tome pour hisser, des chantres, le drapeau.
Je joue au vieux rimeur, assis sur une peau.
IV?Création de variantes (2) :
? On peut opter pour des quatrains à rimes croisées en appliquant l'une des formules suivantes :
1- Sur deux rimes seulement → 10 A et 6 B
?A - ABAB - ABAB -AAB - ABA - A
2-Sur quatre rimes → 10 A, 2B, 2C et 2D
?A - ABAB - ACAC - AAD - ADA - A
3-Sur cinq rimes → 8A, 2B, 2C , 2D et 2E
?A - ABAB - ACAC - DDE - AEA - A
1• Essai selon la première formule
?A - ABAB - ABAB - AAB - ABA - A
Peine à vie ! (par Flormed)
Suons, peinons, souffrons pour un vain bénéfice !
On étouffe à longueur des heures au service
De nos besoins vitaux. Le pain devient amer,
Tiré qu'il est de notre sang, ô grand supplice !
Par le temps asservis, on manque souvent d'air.
Que d'efforts pour vêtir, à la fin, le cilice
De la dèche qui fait confondre sombre et clair
Devant notre regard désespéré qui pisse
Des flots salés chargés de feu le long du blair.
Pour un logis, un jour, quitté, quel sacrifice !
Guère on ne s'aperçoit que chaque soir se tisse,
Pour nos os, le linceul, bon sauveur de l'enfer
Où l'âme lassée prie attendant que se hisse
L'étendard de la paix ! Notre arche, sur la mer
Du silence éternel, aura le vent propice.
Plus de labeur crevant ni de vain bénéfice !
2• Essai selon la deuxième formule
? A - ABAB - ACAC - AAD - ADA - A
L'orphelin (par Flormed)
Nul ne peut, dans la peau d'un orphelin, se mettre !
Quand je revois le jour où mon père dut être
Remis au fossoyeur, le ciel se vêt de gris :
Plus d'horizon, plus de soleil à ma fenêtre ;
C'est le néant ! Je sens que je me rabougris.
La mort m'ayant privé de ce gracieux être,
Vint frapper de nouveau. Sa faux de vert-de gris
Endolorit mon âme, afin de me soumettre
Aux larmes ; sort affreux faisant fi des gris-gris !
Ô source de douceur, rivière de tendresse,
Tu m'as trop tôt remis au sein de la tristesse
Raffolant de mes cris d'oisillon sans nid chaud.
Seul sur les durs chemins de la vie, à l'errance
Voué, j'ai parcouru, comme sur un bachot,
L'âpre océan des ans sous un rai d'espérance.
Nul ne peut, dans la peau d'un orphelin, se mettre !
3• Essai selon la troisième formule
?A - ABAB - ACAC - DDE - AEA - A
L'autre monde est mieux (par Flormed)
O mon cœur, es-tu prêt pour le dernier sommeil ?
Notre ciel est passé du gris sale au vermeil.
Ô pauvre corps chétif, la faux létale approche !
Bientôt la longue nuit, sans aube, sans éveil ;
L'enterreur s'est armé de sa pelle et sa pioche.
O cils mouillés, sous peu, s'éteindra le soleil
Et vous serez gorgés d'éternelles ténèbres.
Tristement, le tisseur quitte son appareil,
Plie, en les embaumant, les étoffes funèbres.
ö bercail décrépit, je vois à l'abandon
Tes mornes cours où va foisonner le chardon
Et tes murs nus seront hantés par les chouettes.
Quel feu viendra brûler notre champ de méteil ?
Qui mettra fin, par grâce, aux affres de mes bêtes ?
Mon âme, ici n'est guère à l'au-delà pareil !
Notre lit est bordé pour le dernier sommeil ?
V?Particularités
De nos jours, certains poètes se sont essayés au seizain en ajoutant un distique aux 14 vers traditionnels, d'où plusieurs formules :
?Formule 1 (sur 2 rimes) :
→ ABBA - BAAB - AAB - ABA - BB => 8 A et 8 B
?Formule 2 (sur 4 rimes) :
→ABBA - CAAC - AAD - ADA - DD => 8 A , 2 B , 2C et 4 D
•Au lieu de reprendre D au distique, on peut reprendre B ou C , d'où les formules :
a- ABBA - CAAC - AAD - ADA - BB => 8 A , 4 B , 2 C et 2 D
b-ABBA - CAAC - AAD - ADA - CC => 8 A , 2 B , 4 C et 2 D
?Formule 3 (sur 5 rimes) :
→ABBA - CAAC -DDE - AEA - EE => 6 A , 2 B , 2 C , 2 D et 4 E
•Au lieu de reprendre E au distique, on peut reprendre B , C ou D, d'où les formules :
a-ABBA - CAAC -DDE - AEA -BB
b-ABBA - CAAC -DDE - AEA -CC
c-ABBA - CAAC -DDE - AEA -DD
Note : Ces particularités n'obéissent pas à la structure connue du sonnet seizain dont la présentation doit être : 1 4 4 3 3 1 → aussi devons-nous nous limiter à composer selon l'une des formules suivantes où les deux vers isolés encadrent les 14 vers du sonnet traditionnel :
a• Avec quatrains à rimes embrassées :
1?A - ABBA - BAAB - AAB - ABA - A
2?A - ABBA - CAAC - AAD - ADA - A
3?A - ABBA - CAAC - DDE - AEA - A
b• Avec quatrains à rimes croisées
1?A - ABAB - ABAB -AAB - ABA - A
2?A - ABAB - ACAC - AAD - ADA - A
3?A - ABAB - ACAC - DDE - AEA - A
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? Pour lecture seulement → Améthyste d'Albert Samain (1858 - 1900) in "Poèmes inachevés"
L’ombre noyait les bois. C’était un soir antique.
Les dieux puissants, vaincus par le Dieu pathétique
Après mille ans d’Olympe avaient quitté la terre,
Et la sirynx pleurait dans Tempé solitaire.
Sur la mer en émoi, vers l’orient mystique,
Une aube se levait. Pleins de souffles étranges
Les chênes remuaient des branches prophétiques,
Et les grands lys élus versaient leurs blancs calices
Aux lacs sanctifiés visités par les Anges.
Le ciel était plus doux qu’un col de tourterelle…
Rêveuse, en longs cheveux, une nymphe […] frêle
Tressait de pâles fleurs autour d’une amulette.
Et près d’elle, dans le crépuscule idyllique,
Un petit Faune triste, aux yeux de violette,
Disait sur un roseau son cœur mélancolique…
Et c’était le dernier amour du soir antique…
• Toutes les rimes sont féminines. Rares sont les poèmes sur un seul genre de rimes. Il vaut mieux marier les deux genres en respectant les règles d'accord.
• "calices" ne rime pas avec "prophétiques"
• Il manque un mot à V2T1
? ♣ ?
Fiche élaboré par
Mohammed Zeïd
Flormed
Un ange matinale...Forme le sonnet en seizain...Image Pinterest ...
Un ange matinal…
Dans la pénombre pleure un ange le matin,
C’est la fin de l’été, le ciel est de satin,
Puis la terre se pare aux couleurs d’une aurore
Le soleil illumine un rai multicolore
Sous la nue invisible en rite célestin.
J’aimerais voir le jour dans une ombre incolore
La fragrance planant sous le voile incertain
Sur son âme semant la clarté d’un instinct
Quand le miroir reflète une ondée en phosphore.
Dans la chaleur de Nyx se perd un libertin,
Oubliant le passé des rives du destin
Et l’on n’écoute plus la saison si sonore.
Sous la lune éblouie en mon rêve lointain
Vient nourrir de regrets ce penchant qui picore
Puis les cieux désignant tout espoir enfantin,
Dans la pénombre pleure un ange le matin.
Maria-Dolores.
Sur les flots de la vie ....Forme le sonnet Seizain....Image Pinterest ....
Sur les flots de la vie
J’ai laissé sur la mer voyager cette barque,
Que je prends dans la vie et la tiens pour arnaque
Sur les flots de mon âme, elle veut bien chanter
Les vertiges des mots que l’on voudrait tenter
Comme un songe troublant à prier un monarque.
Mais je garde un secret pour poser d’une marque
Dans le souffle du vent, on passe à plaisanter.
Sur l’océan des pleurs, chacun tend pour vanter
Le miracle des jours quand on veille en énarque.
Dans la nuit, une lune illumine à hanter.
Le fond du cimetière où l’on voit arpenter
L’aura tout esseulée à l’ombre famélique.
Quand l’espérance en soi n’aime pas refléter
La douleur dans le cœur sur ce corps angélique
Qui d’amour oublié nul ne veut tourmenter.
J’ai laissé sur la mer voyager cette barque.
Maria-Dolores
Sophora japonais...Forme le sonnet Seizain...Photo sur le net ...
Sophora japonais
Quand l’arbre japonais vient couronner l’été,
Il étend sa ramure au son d’éternité.
Sous la bise, on entend la voix d’un bel archange,
Il émeut le matin l’essence que l’on change.
Mais voici le défi qui sent la liberté.
C’est un arbre ravi sous une feuille étrange,
Laissant dans la lumière une ombre en vérité
Que chacun peut aimer le temps de l’unité
Il demeure inutile à veiller sur un ange.
Voici que le soleil brille en tranquillité
Sur le beau Sophora qui luit en société
Le charme des feuillets entonne sa louange.
Puis je sais, si je peux rêver de qualité
En voyant ce bel if cacher une mésange,
Je n’ose plus revoir tant de variété
Quand l’arbre japonais vient couronner l’été.
Maria-Dolores.
Révélation d'une fleur bleue ....Forme le sonnet Seizain ...photo sur le net ...
Révélation d’une fleur bleue…
On trouve surprenant à la voir révéler,
Au monde son renom que l’on sait épeler,
C’est une fleur magique en la pleine nature,
Laissant dans l’infini sa beauté pour sculpture
Qui d’une épine bleue, on la sent emmêler.
Le firmament connaît dans la chaleur d’un rêve
Le nom que l’on essaie en vain de refouler
Figeant dans son penser, il tient à jubiler
Le piquant du chardon se refuse à la trêve.
Pourtant, rien ne ressemble à ce charmant défunt
Qui vient me saluer sans plus aucun parfum
Il plaît à ma mémoire à réveiller la flamme.
Le poète a toujours souvenir à soûler
La fragrance émouvante où naît une oriflamme
Dans un rire charmant le temps de dévoiler
On trouve surprenant à la voir révéler.
Maria-Dolores.
Dernière rose....Forme le sonnet Seizain....Image Pinterest ....
Dernière rose
J’ai cueilli ce matin, cette dernière rose,
Dans ce vase chez nous sur la table repose,
Elle éclaire l’endroit de sa belle pâleur.
Maintenant, tous les jours dans la douce chaleur
Un pétale s’éteint dans une vague osmose.
Puis j’entends chaque nuit les mots d’un oiseleur,
L’éphémère siffleur me souligne une prose
Et charme dans l’oubli le souffle virtuose
Qui me laisse troubler aux abords de ce pleur.
Le poète décrit sur le vélin la chose,
Et le peintre la peint sur la toile l’expose,
Car on peut observer la délicate fleur.
Sur mon âme, le ciel peut bien rester morose
Quand l’amour ne fuit plus les désirs de ton cœur
Mais je fais ce doux vœu qui nous métamorphose.
J’ai cueilli ce matin, cette dernière rose.
Maria-Dolores